Avec quels moyens ?

L’adaptation des moyens militaires est un défi majeur pour toutes les armées.

Adaptation aux nouvelles menaces, aux nouvelles technologies, à l’évolution géopolitique du monde et aux nouvelles alliances. Force est de constater que peu de périodes ont conjugués ces trois enjeux de façon simultanée.

La dissuasion nucléaire a tenu sa promesse : la paix entre grande puissance, l’absence ou presque de grands conflits.

L’arrivée du terrorisme moderne, premier déplacement des théâtres d’opération, que l’on peut dater des jeux olympiques de Münich en 1972, a bousculé les nations occidentales incapables de gérer ce nouveau type de défis. Ce fut l’émergence réussie de groupes d’intervention et d’unités d’élite qui ont fini par juguler notamment les prises d’otage.

L’arrivée plus récente des drones a permis aux Etats, notamment les grandes puissances, de jeter leur force sur des théâtres inaccessibles car nécessitant sinon des interventions au sol trop couteuses en vie humaine.

Tout serait donc sous contrôle ?

Il est un sujet d’inquiétude naissant relatif indirectement à la dissuasion nucléaire. De façon récurrente le débat revient sur la nécessité de son maintien au regard de son coût. Ce raisonnement est dangereux. La paix n’a pas de prix.

Certaines de ces puissances, (la seule URSS pendant un certain temps) se sont octroyées le droit de pouvoir provoquer, ou d’entrer dans des conflits conventionnels, s’appuyant sur le raisonnement victorieux que les autres pays n’oseraient intervenir, même de façon conventionnelle contre une puissance nucléaire. L’exception fut sans doute l’affaire des missiles de Cuba, où la reculade fut aussi spectaculaire que symbolique devant la fermeté pour une fois affichée de la partie adverse. La Russie n’est plus seule à pratiquer cet art du fait accompli, la Chine a pris le sillage. Deux modes de pensée s’affrontent celui de la prise de risque et de la provocation, et celui de la préservation de l’équilibre et de la paix coûte que coûte.

La faiblesse du raisonnement occidentale et plus particulièrement européen fut de s’abriter exclusivement derrière la dissuasion nucléaire pour s’estimer à l’abri (qui plus est sous l’ombre américaine). La part des budgets de défense dans le PIB de la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume Uni a chuté de façon significative en 20 ans alors que la Russie l’a augmenté de près de 60%.

Les récentes manœuvres méditerranéennes provoqués par l’attitude de la Turquie vienne faire émerger de douloureuses constatations. La Turquie n’a pas peur de la France, elle a environ autant d’avions de combat que nous. Elle n’hésite pas comme on l’a vu à prendre pour cible nos navires. La Turquie sait très bien que nous n’utiliserons jamais l’arme nucléaire contre elle. Au niveau des armes conventionnelles elle sait qu’elle fera le poids.

L’épisode de la tentative de bombardement de la Syrie voulue par la France et François Hollande en 20015 fut avortée en raison du retrait des États Unis. N’étions-nous pas en mesure de mettre en œuvre nos décisions ? Nous n’aurions pas été capables de dominer seul le ciel Syrien et de prendre le risque d’un affrontement conventionnel sans le parapluie américain ! Les Syriens, eux aussi, ont plus d’avion que nous.

Tout n’est pas question d’avions bien sûr.

Mais ces comparaisons servent d’illustrations. Le récent émoi de l’armée de l’air française, que nous livrions des Rafale aux grecs en dit long : il nous en manque déjà pour assurer nos missions.

La réalité est cruelle. Nos moyens conventionnels face aux attitudes de certaines grandes puissances comme maintenant de puissances moyennes sont insuffisants. Ce déficit de moyens alloués pendant des dizaines d’années et que le président Trump nous rappelle amèrement nous mettent nu devant des enjeux colossaux. Il est temps de réinvestir dans nos moyens conventionnels européens de façon significative au risque de voir surgir de très mauvaises surprises.